Le Sénat préconise une baisse ciblée de la fiscalité sur l'électricité

Écrit par Simon Desimpel, Rédacteur expert énergie le 9 juillet 2024 à 17:03 | Modifié le 9 juillet 2024 à 17:03
Temps de lecture : 3 min

La commission d’enquête sénatoriale sur l’électricité a rendu son rapport jeudi 4 juillet juste avant le second tour des élections législatives anticipées. Dans ce rapport de la chambre haute, les sénateurs suggèrent un abaissement de la TVA sur la consommation de base des ménages et l’instauration de contrats spécifiques avec EDF pour son nucléaire existant. Ces mesures visent à diminuer le prix de l’électricité, sujet de préoccupation pour de nombreux Français.

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Les propositions du Sénat pour faire baisser le prix de l’électricité

Une baisse de la TVA sur l’électricité pour la consommation de base

La principale proposition de la commission sénatoriale sur l’électricité est une baisse ciblée de la fiscalité sur l’électricité. Les élus de la chambre haute suggèrent que la TVA soit réduite de 20 à 5,5 % pour la consommation de base et maintenue à 20 % pour le reste de la consommation.

La consommation de base est estimée à 4 500 kWh/an pour un ménage n’utilisant pas de chauffage électrique, et 6 000 kWh/an pour ceux qui se chauffent à l’électricité. En plus de la TVA, les sénateurs proposent d’abaisser l’accise sur l’électricité à 9,5 €/MWh (au lieu de 21 €/MWh) et de supprimer la CTA (Contribution Tarifaire d’Acheminement) en dessous de ces volumes de consommation.

Ces mesures permettraient, selon le rapport, de réduire de 40 % le prix de cette consommation de base. Au-delà, les taxes resteraient identiques, car il ne s’agit pas de consommations de base, telles que la cuisine, l’éclairage, le chauffage ou l’eau chaude.

La consommation électrique d’une piscine chauffée, par exemple, ne rentrerait pas dans le cadre de cette consommation de base et ne serait donc pas spécialement aidée.

Les économies estimées sont de l’ordre de 600 €/an en moyenne pour les ménages et de 7 000 €/an pour un professionnel consommant 99 MWh/an.

Les estimations de Bercy chiffrent cette baisse ciblée à 3,5 milliards d’euros contre 12 milliards d’euros pour une baisse généralisée, soit un coût pour l’État près de 3,5 fois supérieur.

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Des “contrats sur la différence” avec EDF

La seconde proposition de la commission d’enquête du Sénat est la mise en place de contrats CFD (contract for difference en anglais, on parle de contrats sur la différence en français) avec EDF à 60-65 €/MWh pour l’achat d’électricité issue du parc nucléaire existant. Un contrat sur la différence est un accord juridique qui définit des obligations mutuelles entre acheteur et vendeur.

Dans ce contexte, cela signifie que si le prix de l'électricité sur les marchés est inférieur au seuil fixé par le contrat, ici entre 60 et 65 €, l’État payera la différence à EDF. Au contraire, si le prix du marché est supérieur, EDF devra partager une partie des gains avec l’État

Ce type de contrat permet de protéger le producteur, EDF, dont le parc nucléaire alimente le réseau électrique à près de 65 %, et les consommateurs, qui subiront moins les fluctuations du marché.

Le sénateur centriste Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête, met en opposition ces contrats CFD avec l’accord sur les prix de l’électricité conclu entre EDF et l’État à la fin de l’année 2023. Cet accord, passé en novembre 2023, est jugé opaque par la commission. Il prévoit un prix moyen de 70 €/MWh sur 15 ans et une redistribution des revenus d’EDF à partir de 78 €/MWh.

Recommandation sur la programmation énergétique

Le dernier volet de ce rapport parlementaire s’intéresse à la programmation énergétique du pays, estimant que d'ici à 2050, il faudra : 

  • prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans ;
  • construire 14 nouveaux réacteurs : si ce chiffre est déjà annoncé par le Gouvernement, la date des premiers démarrages serait plutôt en 2037 - 2038 plutôt que 2035 comme prévu ;
  • anticiper l’augmentation du coût de production moyen à cause des investissements réseaux liés à la hausse de la part du renouvelable (solaire et éolien) ;
  • relancer la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides pour faire face à la raréfaction de l’uranium naturel. En effet, de nombreux pays ont annoncé relancer leur programme nucléaire, ce qui pourrait amener à l’épuisement des réserves naturelles d’uranium plus tôt que prévu.

Une commission d’enquête sénatoriale créée en janvier

Des propositions pour répondre à la crise de l’énergie

La commission parlementaire sur l’électricité a été mise en place en janvier 2024 suite à la crise de l’énergie qui a fait flamber les factures des ménages français et européens entre 2021 et 2022. L’objectif de cette commission transpartisane était d’étudier les mécanismes en place sur le marché de l’énergie et de formuler des propositions pour les améliorer afin de protéger les consommateurs et les fournisseurs/producteurs.

Une crise de l’énergie sans précédent

La crise de l’énergie est la conséquence de la reprise économique post Covid-19 et de la guerre en Ukraine, qui a fait chuter les exportations de gaz russe. Ces deux événements ont fait grimper les prix du gaz et de l’électricité sur les marchés de gros.

Les ménages ont ainsi vu leurs factures s’envoler et le gouvernement a dû mettre en place un bouclier tarifaire pour plafonner la hausse des prix. Côté fournisseur, de nombreux petits fournisseurs alternatifs n’ont pas résisté à la flambée des prix et ont dû cesser leurs activités.

Un rapport paru entre les deux tours des législatives anticipées

La publication du rapport intervient juste avant le second tour des élections législatives anticipées, alors que le pouvoir d’achat et les prix de l’énergie étaient des thèmes de campagne. Les conclusions des sénateurs ont alimenté les débats, notamment en raison de la proposition de baisser de manière ciblée la TVA, tandis que l’une des propositions phares du RN était une baisse généralisée, bien plus coûteuse selon ce rapport.

Simon Desimpel
Simon Desimpel

Rédacteur expert énergie

Après une première vie dans l’audiovisuel, Simon a pris le chemin de la rédaction web et rejoint Hello Watt en 2023. Sensible aux thématiques du développement durable, il vous informe au mieux pour réaliser des économies tout en réduisant votre empreinte carbone.

Commentaires
Simlat
 - 13 juillet 2024

CDF = l'état paye pour faire tourner les centrales nucléaires même les jours d'été où la demande est faible et la production solaire est forte. C'est une démarche à l'encontre du bon sens. Il faut que EDF accepte de vendre son électricité peu cher en été, et cher en hiver ( pour tout le monde ). Dans la loi du sénat, je comprends qu'une personne consommant 5000 kWh exclusivement et été (principalement du solaire) paiera plus cher qu'une personne consommant 4500 kWh exclusivement en plein hiver (bcp d'appoint gaz voir charbon allemand). Ces mesures ne récompensent pas les gens qui font des efforts.

Il faut appliquer pour tous le prix marché, aider ceux qui sont dans le besoin d'une autre manière, et bien sûr taxer fortement les productions carbonées, qui de toute façon sont allumées pendant les prix marché élevés.

Simon
Simon
 - 19 juillet 2024

Merci pour votre commentaire. La gestion des centrales nucléaires, même en été, est complexe. Leurs coûts fixes sont élevés, et elles fournissent une stabilité essentielle au réseau. En 2023, le nucléaire a représenté 62 % (Bilan RTE) de la production électrique française, assurant une base stable d'approvisionnement.

La production solaire a atteint 21,5 TWh en 2023, augmentant de 15 % par rapport à 2022. Bien que modeste, la production solaire est cruciale. En été, la demande est généralement plus faible, mais le parc nucléaire ne peut être arrêté sans coûts supplémentaires, et la production renouvelable ne suffit pas toujours à répondre à la demande.

En hiver, la demande d'électricité augmente pour le chauffage et l'éclairage. Des sources fossiles (gaz, charbon), représentant 7 % de la production en 2023, sont parfois nécessaires, ce qui entraîne des coûts plus élevés et un impact environnemental. Toutefois, la part des énergies fossiles diminue dans le mix énergétique français, le charbon ne représentant que 0,17 % de la production en 2023 contre 0,6 % en 2022.

Le rapport sénatorial cherche à équilibrer incitations écologiques et justice sociale. Il vise à encourager une consommation responsable tout en garantissant un accès équitable à l'énergie. Les tarifs dynamiques et les aides ciblées pour les plus démunis sont envisagés. Bien que ces mesures puissent sembler contre-intuitives, EDF reste indispensable.

Merci pour votre contribution à ce débat essentiel.

B.M4191
 - 13 juillet 2024

Très intéressant à lire. Merci bcp 😀

GHIS
 - 16 juillet 2024

Cette proposition n⁰1 du Sénat me paraît logique.

Appliquer des tarifs moins taxés à une consommation de base de produits "vitaux" reste une solution simple et efficace.

Elle inciterait concrêtement aux ménages à canaliser leur consommation et pourrait se substituer aux aides compliquées mises en place actuellement.

Je la vois comme une simplification, donc une économie !

Les surconsommateurs seraient les payeurs.

En ce qui concerne les recharges de véhicules électriques, nous retrouverions un semblant de taxation du carburant.

Ce système de "facturation à étage" pourrait être appliqué également au gaz et à l'eau.

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